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RETEX : réalité virtuelle et architecture

Retour d'expérience (RETEX) sur l'utilisation de la réalité virtuelle comme outil de médiation d'un projet architectural : la transformation de l'Observatoire du Mont-Blanc à Chamonix.


 

En plein cœur de l'été, quand la montagne appelle à arpenter ses sentiers, mon casque de réalité virtuelle passe de longues semaines dans sa boîte de rangement, éteint. Saisonnalité de la VR ? L'envie n'est pas aussi forte qu'en hiver de s'échapper dans des contrées virtuelles. 

C'est donc pour une raison purement professionnelle qu'Oculus est sorti de sa léthargie le 23 juillet dernier à l'occasion des portes ouvertes du CREA Mont-Blanc, cette ONG scientifique où je travaille comme responsable de la production. L'association est hébergée dans des locaux historiques qu'il conviendrait de rénover, appartenant aujourd'hui à la commune, et avant cela à Joseph Vallot. Depuis plusieurs mois, le CREA Mont-Blanc fait donc collaborer partenaires et architectes pour imaginer le devenir d'un lieu dédié à la recherche scientifique en montagne : c'est le projet OBS Mont-Blanc

Au cours des ateliers, une première maquette physique a émergé pour cristalliser les discussions et représenter les trois volets du projet - entre chalet historique à réhabiliter, nouveau bâtiment-laboratoire et jardin expérimental. 

 

Photo Amaury BERGER / CREA Mont-Blanc

Photo Le DL / Annabelle LEPROUX (lire l'article)
 

Jacques Félix-Faure et Benoît Poirier, architectes de l'atelier 17C, ont ensuite modélisé le projet sur Archicad. C'est depuis ce logiciel d'architecture qu'ils ont capté cette vidéo de présentation : 

 


 

Étape suivante : proposer une immersion 3D dans le projet. Les architectes n'utilisent pas encore les outils de réalité virtuelle proposés par Archicad, et de notre côté nous avons une autre idée en tête : faire évoluer 4810 pixels, le métavers du CREA Mont-Blanc réalisé en 2020 sur Mozilla Hubs et dont le parcours commence justement devant l'Observatoire. 

 

L'Obs en 2020

Nous sollicitons de nouveau Kévin Ardito et Guillaume Seyller, les deux artistes développeurs de 4810 pixels, qui nous ont entre-temps accompagnés sur un premier lifting de notre métavers : la lande. 


 

Le modèle 3D du projet OBS, fourni par Jacques et Benoît, est au format PLN, un format propriétaire utilisé par Archicad par défaut. Il comporte énormément de textures et « materials » différents, ce qui est peu compatible avec l'optimisation 3D requise par une solution full-web comme Mozilla Hubs. Le premier travail des développeurs est de shampooiner le modèle pour n'en garder que la structure - ils apposeront de nouvelles textures par la suite. 

 

Test de compatibilité de la maquette PLN

 

Ce nettoyage du modèle fait partie des pistes d'amélioration à développer entre les métiers de la chaîne de production, depuis la conception par les architectes jusqu'à l'intégration pour le web. Ainsi Benoît Poirier nous écrit :

Je pense pouvoir mettre l'ensemble en « maquette blanche » et limiter le nombre de matériaux. Je peux aussi exporter séparément les bâtiments, et le terrain maillage qui doit aussi être un peu lourd...

Cette maquette blanche servira de base de référence pour valider l'implantation des bâtiments à la bonne échelle en réalité virtuelle, avant de se lancer dans les finitions (textures, environnement, pré-calcul de la lumière). 

 

Le nouvel Obs en 2022

 

En un temps record, l'Obs fait un bond en avant esthétique et technique. De l'avis de Guillaume, artiste développeur :

ça nous a permis de mesurer le chemin parcouru depuis ce premier projet sur hubs

Quant à l'architecte présent pour l'événement, Jacques Félix-Faure, il mesure soudain l'intérêt de faire passer son modèle 3D par l'épreuve de l'immersion à échelle réelle. Équipé du casque Oculus, juste avant l'arrivée des premiers visiteurs, il passe quelques minutes à valider des points de vue depuis différents endroits du décor et à s'étonner d'avoir implanté telle fenêtre ici, tel arbre là.

C'est l'heure de partager le projet avec nos invités des portes ouvertes. Ils découvriront d'abord la maquette physique initiale exposée à l'extérieur de l'Obs, avant d'entrer dans nos locaux et s'immerger, pour ceux qui le souhaitent, dans la réalité virtuelle

 



Deux ans après le lancement du casque Oculus Quest 2 - aujourd'hui Meta Quest 2, la VR n'est plus perçue comme une curiosité ; bien que la moitié environ des personnes présentes n'a jamais testé ce genre de dispositif immersif, je ne perçois aucun intérêt de leur part pour l'outil en tant que tel. Les personnes qui enfilent le casque sont motivées par la découverte du projet et de son contenu. Cela se ressent dans la médiation : leur appropriation des fonctionnalités est très fluide, ils sont attentifs à mes indications. Le déplacement dans l'espace virtuel se fait au joystick ou en téléportation, selon le bon vouloir des manettes qui se déconnectent régulièrement (!). Chaque visiteur virtuel laisse volontiers sa place au suivant pour ne pas monopoliser le casque. 

Quant au dispositif de médiation à proprement parler, il consiste en une petite pièce vidée de ses bureaux (c'est ici que je travaille au quotidien au CREA Mont-Blanc, avec deux autres collègues). Sur un caisson bas, le nécessaire pour la réalité virtuelle : casque rechargé en alimentation à chaque occasion, piles de rechange pour les manettes, lingette désinfectante pour essuyer la housse silicone en contact avec le visage. 

 

Photos : Amaury BERGER / CREA Mont-Blanc

 

Sur un bureau poussé contre le mur, je lance une deuxième connexion à l'espace virtuel, depuis un ordinateur et avec un retour sur grand écran. Les objectifs sont multiples : 

  • pouvoir montrer la maquette immersive à ceux qui ne mettront pas le casque, 
  • suivre le visiteur virtuel pour l'aider à se diriger et répondre à ses questions sur le projet,
  • amorcer un début d'interaction sociale auprès des utilisateurs (« Je viens à ta rencontre, tu me vois ? C'est moi avec le tee-shirt vert ») 

 

En trois heures d'événement, j'estime avoir équipé une trentaine de personnes avec Oculus, soit une moyenne de six minutes de visite virtuelle pour chacun - temps de chargement de l'espace compris. D'après mes collègues postés à l'extérieur des locaux, cette expérience en réalité virtuelle, si courte soit-elle, a marqué les visiteurs, qui venaient leur raconter leur parcours dans l'espace 3D. La preuve, s'il en faut encore une, que la VR en impliquant l'ensemble du corps et de nos perceptions sensorielles, permet une appréhension différente et complémentaire des autres supports (maquette en volume, plaquette de présentation du projet, vidéo ou photo).

Le fait que les promeneurs virtuels ressentent le besoin de restituer leur expérience, de la transformer d'une perception physique en récit oral, me semble particulièrement intéressant ; tout au long de l'ouverture au public, cette salle VR est véritablement devenue un espace social où l'on parlait avec et autour du porteur de casque, parfois même en l'ignorant totalement lorsqu'une belle carte en relief du massif accrochée au mur prenait le pas sur l'attrait de la montagne virtuelle.

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