La gratuité a le vent en poupe ; applications à "obtenir", services numériques en bouquets, versions démo en cadeau et modèles freemium peu contraignants, nous avons accès tous les jours à une multitude de contenus de haute qualité et à des dispositifs de plus en plus généreux.
Parfois à leur insu.
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© Jon RAFMAN - 9eyes.com |
Nul ne sait le pays d'où je viens
Depuis plusieurs années, Jon Rafman parcourt le globe tel qu'il est cartographié par le véhicule équipé de Google pour son service Google Street View.Sur son Tumblr 9-eyes, il aligne ses pépites comme des haïkus visuels complètement décontextualisés et sublimes. Impossible a priori de localiser l'endroit où la photo a été prise, sauf à se fier à l'architecture, à la lumière, aux styles vestimentaires.
Nous savons seulement que la scène a bien eu lieu, quelque part.
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Jumeau ou vélocité ? |
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Un message à l'attention de Google |
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??? |
En flânant sur l'immensité ouverte de ce nouveau monde virtuel, ou bien en traquant l'insolite avec méthode et boussole en main, Jon Rafman nous offre à son tour des bribes de signifiant.
Il détourne un outil par le biais de ses plus infimes parties ; des détails, des incohérences, des situations auxquelles il donne une valeur, qu'elle soit photographie artistique, source journalistique, enquête de terrain ou comique de situation.
Zones d'ombre sur la toile
Mouvement inverse avec l'application éditée par la RMN (Réunion des Musées Nationaux) et intitulée Visite Guidée 360° de l'exposition Bohèmes, Grand Palais, Paris.Là où 9-eyes va chercher du sens dans des espaces inoccupés, cette visite orchestrée par Mosquito ne fait pas l'économie des zones vides.
L'idée de visite virtuelle s'inscrit bien dans la tendance de cette année 2012 - où la visite virtuelle est suffisamment bien identifiée pour entrer dans les cahiers des charges des collectivités et des institutions, où les équipes techniques ont suffisamment investi le terrain pour jouer sur l'encastrement des médias (photo 360° + vidéo + hotspot + carte + ...).
C'est le cas ici : une médiatrice du musée (filmée) nous guide dans les salles de l'exposition Bohèmes (photographiées et distordues à cause de la sphère du 360°), en nous offrant la possibilité de suivre le parcours pas à pas (flèches directionnelles) ou bien de piocher l'une des thématiques (sur la carte).
De quelle oeuvre parle-t-on ? |
Proximité mais distorsion |
Figée dans le champ, la gestuelle se réinvente |
Cette application, gratuite, nous emmène donc à la découverte de plusieurs POI de l'exposition. Son but avoué est de nous donner envie de nous rendre physiquement au musée et d'aller explorer d'un peu plus près les tableaux que l'on voit bien accrochés aux murs, sans pouvoir les agrandir sur son écran.
D'ailleurs, une application complémentaire - payante cette fois-ci - restitue ces œuvres dans leur meilleure résolution. Il s'agit ni plus ni moins d'un catalogue d'exposition numérique.
La visite guidée offre toutefois davantage d'intérêt à mes yeux. Pas seulement pour ce qu'on y apprend - même si le contenu de qualité dure 30 à 40 minutes, le temps d'une visite avec un groupe.
J'ai d'abord été amusée par la plasticité de la sphère de visite virtuelle : le pinch&zoom, activé et peu restreint, permet des aberrations jubilatoires.
Le musée de la perspective biscornue |
Après avoir exploré et testé les limites de la perspective, divers bugs d'affichage nous invitent à méditer sur l'hétérogénéité des médias et leur impossible chevauchement. L'immersion est donc bien virtuelle, aucun doute à ce sujet.
Elle est passée par-ici... |
La zone sombre représente le cadre de la vidéo |
Allons plus loin puisque personne n'a limité les zones de déambulation : les sphères 360°, proposées dans leur intégralité, nous font lever les yeux vers la verrière à l'ambiance nocturne, nous mettent au défi d'aller occuper la chaise vide du gardien ou bien nous montrent...rien ! des espaces totalement insignifiants.
Sous couvert de reproduire une forme de médiation traditionnelle - une personne face à un groupe - l'application Bohèmes invente en fait une nouvelle forme d'échange à distance, non interactif, non simultané mais profondément ludique. Il suffirait de peu - quelques interpellations pré-enregistrées par exemple - pour renforcer cette impression.
L'interstice de l'engagement
Anticiper les usages : voilà ce qu'a fait Elliot Lepers avec son extension pour navigateur Amazon Killer. Cette fonctionnalité permet de trouver quelle librairie près de chez soi dispose dans ses stocks d'un livre consulté sur Amazon.Puisque le web est généreux, il partage des bases de données aussi enrichissantes et performantes que celle de la Place des Librairies, service sur lequel s'est appuyé Elliot Lepers. Celui-ci explique d'ailleurs très clairement dans cet article quelle a été sa logique de développement et pour quels objectifs.
L'action "Acheter en librairie" d'Amazon Killer |
La donnée existe et fonctionne, il faut en faciliter l'accès |
Générosité superflue avant Amazon Killer, donc ? Cette base de données des libraires n'est pourtant pas un excédent d'information. Disons plutôt que cette matière raffinée - et pas matière première car déjà indexée, mise à jour et mise en forme - est transformée par Amazon Killer pour une utilisation massive et engagée.
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