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Podcast : des formats, un formatage

Le mot podcast a fait son entrée dans le New Oxford American Dictionary en 2005. Près de quinze ans plus tard, ce mode d'écoute personnel atteint des records de popularité... et adhère aux codes de consommation culturelle.


Image par Alexas_Fotos de Pixabay

En France, Arte Radio est le premier site web à proposer des podcasts gratuits. L'article d'annonce misait déjà, de manière étonnamment prédictive, sur le développement du service :

Cette technologie se développera rapidement au cours des années suivantes et connaîtra un réel succès.

Sur Arte Radio, on trouve aujourd'hui des contenus éditorialisés de la même manière que peuvent le faire RTBF ou France TV Nouvelles écritures pour leurs webcréations : les productions sont rangées par catégories (Cette semaine / Populaires / Les classiques) et de fines illustrations en miniatures nous invitent à les aimer avant même la première écoute.

- parenthèse : les illustrations "personnalisées fines et délicates" font bien partie des 10 tendances en design graphique pour 2019.




C'est d'ailleurs un podcast d'Arte Radio qui remporte le Grand Prix du podcast natif au Salon de la Radio, pour Mon prince viendra.



Quant au prix podcast d'OUT d'or 2019, il est remis à un acteur indépendant (Binge Audio) pour Miroir Miroir.



Qui dit remise de prix, dit structuration d'une filière du podcast qui se hiérarchise entre une foultitude d'acteurs :
  • les radios
  • la presse
  • les producteurs spécialisés
  • les plateformes de streaming
  • les plateformes spécialisées
  • et bien sûr, les indépendants
Selon une étude Médiamétrie sur l'audio, publiée en mars 2019, les personnes écoutant des podcasts vont encore majoritairement se fournir auprès des radios. Différence qualitative ? Manque de découvrabilité ? Échelles de production ? Sujets traités ? Les raisons de cette répartition ne sont pas encore analysées.



A l'échelle mondiale, un tiers de la population déclare écouter au moins une fois par mois un podcast en lien avec les actualités. La France se situe sous la médiane ; aurions-nous une préférence pour les productions de fiction ? C'est la Corée du Sud qui se distingue avec ses 58 % d'écouteurs mensuels.

extrait du Digital News Report 2018 de Reuters Institute (p.54)

Comme la plupart des utilisateurs sont plutôt jeunes et très engagés dans les sujets qu'ils écoutent, certains acteurs comme Sybel sont en train de mettre en place des stratégies de design attentionnel empruntées à d'autres plateformes (disons... Netflix ?) pour créer une relation durable au podcast. On notera ci-dessous l'incitation à créer son compte pour accéder à du contenu personnalisé ainsi que le format "affiche" dans un carrousel comme porte d'entrée vers le contenu (quand y'en a plus, y'en a encore).




Rien à voir avec l'interface de l'outil que j'utilise personnellement : Podcast Addict, un service archi complet développée par Xavier Guillemane et régulièrement cité parmi les meilleures applications Android dédiées.




D'accord, l'interface de Podcast Addict n'a rien d'intuitif... Alors pourquoi l'appli est-elle plébiscitée par une écrasante majorité d'internautes ?




Passons au contenu ! Qui dit nouveau format, dit nouvelles écritures. Avec le podcast, une relation d'intimité - ou au moins de proximité - s'installe entre l'émetteur, proche du micro, et le récepteur, le casque posé sur les oreilles.

Chaque animateur de podcast va mettre en œuvre des stratégies pour acquérir et fidéliser son audience : des formules récurrentes ("bisou sur vos crânes" de Jean-Christophe Piot) aux annonces claires de l'épisode à venir (le menu à tiroirs de Florent Derue) en passant par l'envolée musicale qui répond à la voix d'Adélie Pojzman-Pontay.

Dans l'écriture des épisodes, on s'appuie bien entendu sur des éléments audio. Pour Relire Tintin, de Fréquence Moderne, c'est la série TV qui fournira le thème symphonique ainsi que les répliques et ambiances sonores des aventures de notre héros.




Dans Primo, de Nouvelles Écoutes, la production demande à tous les auteurs d'envoyer une capsule audio de présentation avec leur manuscrit : une manière habile de nous les présenter par la voix avant même leur rencontre avec l'éditeur.

Plus tard dans le feuilleton (épisode 7), l'une des auteures en particulier se prêtera volontiers au jeu du journal intime oralisé alors qu'elle retravaille son texte en vue de la parution. L'effet micro embarqué est total.




Au fur et à mesure de mon écoute, j'ai l'impression qu'une certaine typologie émerge du podcast en fonction de sa durée.

Entre 1' et 4' : ce sont les chroniques concises qui vont droit au but, avec des animateurs savants et une maîtrise parfaite.


Mon exemple : Pop & Co de Rebecca Manzoni sur France Inter, avec mention spéciale pour l'épisode sur Bella Ciao.



Entre 5' et 10' : on prend le temps de développer son sujet, de respirer, de laisser l'esprit vagabonder avant de partir au boulot. C'est souvent un sujet journalistique ou de vulgarisation scientifique.


Mon exemple : Les animaux musiciens d'Arte Radio.




Entre 10' et 20' : c'est l'épisode d'une série, le feuilleton. On suit des personnages qui nous emmènent dans leur quotidien un peu décalé.


Mon exemple : pour ne pas citer de nouveau Arte Radio avec Les braqueurs, je prendrais l'enquête de Slate sur un graffeur rennais, Caca sur les murs.




Entre 20' et 60' : c'est le programme hérité de la grille radio (avec ou sans le journal), c'est un podcast qui s'assied dans un fauteuil club et qui apprécie la rencontre.


Mon exemple : Plan culinaire de Louie Media, qui éclaire nos habitudes alimentaires  - je vous recommande en particulier l'épisode 3 sur la table.

Mais aussi Par les temps qui courent de Marie Richeux sur France Culture, parce qu'il est impossible de parler podcast sans citer son émission !





Au delà de 60 minutes : ... désolée mais je n'arrive pas à vous écouter car moi aussi je suis formatée par les standards audiovisuels et multimédias !


C'est aussi que pour moi, le podcast est très lié à la marche : celle de mon trajet quotidien qui relie ma maison à mon bureau en moins de 20 minutes. Je choisis donc des podcasts que je pourrais écouter dans cet intervalle ou bien en plusieurs tronçons (pas trop nombreux).

Toutes les expériences de podcast sont possibles : en conduisant, en cuisinant ou bien en écoutant sans rien faire d'autre ! Le festival Paris Podcast propose des séances d'écoute collective dont la photo d'illustration, prise dans une salle de cinéma ou de conférence où le public est assis, nous laisse à penser que d'autres postures d'écoute sont encore à inventer.

Et peut-être aussi d'autres accès à l'information, quand on voit l'utilisation abusive par le festival d'une seule et même photo pour plusieurs entrées du programme.



Et vous, quels podcasts écoutez-vous ? On en parle en octobre à la Gaîté Lyrique ?



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